Alors, avant toutes choses, cet article est en collaboration avec le groupe facebook des blogueurs expatriés français, dont je fais partie depuis peu. Eh ouais, je commence à rentrer dans le game. Chaque mois, ceux qui le souhaitent écrivent un article sur un thème défini, et mettent en valeur l’article d’un autre participant pour donner un point de vue différent sur le sujet. Comme le thème du mois m’inspirait, je me suis dit qu’y contribuer serait un bon moyen de m’intégrer dans le milieu. Et du coup, je vous invite à aller voir la contribution de Pauline ici !
Une expatriation, c’est une sacrée expérience dont on ressort changé. Je dis ça alors que ça ne fait « que » 3 mois que je suis expat, mais j’en ai la grosse conviction, aussi parce que mes voyages précédents et mon semestre erasmus en Allemagne m’avaient déjà fait beaucoup évoluer et me remettre en question sur plein de choses. Je sais déjà que peu importe ce qui se passera après mon année en VIE (volontariat international en entreprise, je précise parce que quand on ne connaît pas l’abréviation ça rend ma phrase très bizarre), j’aurai beaucoup appris. Pour moi une expatriation c’est comme un accélérateur, un tourbillon dans lequel il se passe plein de choses. J’en ai déjà un peu parlé ici, mais je pense qu’un article dédié sur le sujet ne serait pas de trop pour formaliser tout ça, d’où ma contribution !
Le sens de l’adaptation
Un soir, une de mes colocs (Maike, l’allemande chez qui j’étais allée à Vienne), alors qu’on parlait de la météo, m’a fait la remarque « mais ça a dû être super dur pour toi le choc thermique en arrivant ici avec le froid et la neige ! ». Ça m’a fait sourire, et je lui ai répondu « Naja, Anpassung! » (traduction « bouarf, adaptation ! »). Effectivement, quand je suis arrivée la météo était bien différente de celle que j’avais laissée en Bretagne: très froid et totalement enneigé. Mais en fait, ça ne m’a pas plus perturbée que ça. Ce n’était qu’une des multiples choses auxquelles j’ai dû m’adapter en arrivant: je me suis retrouvée dans un pays que je ne connaissais presque pas (je n’y avais passé que 72h environ jusqu’alors), avec une culture dont je n’avais pas les codes, une langue que je ne maîtrisais pas, un nouveau logement en colocation dont il fallait que j’apprenne les règles et les petites habitudes, les supermarchés étaient différents, les produits et habitudes alimentaires aussi… Et puis très rapidement, j’ai commencé mon premier emploi, j’ai dû m’habituer à me lever tôt, m’intégrer avec mes nouveaux collègues, apprendre tout ce dont j’avais besoin sur le secteur du photovoltaïque dans lequel je n’avais aucune expérience. Le tout seule, loin de tous mes proches, et sans personne avec moi qui vivait la même chose ou avait déjà vécu la même chose et aurait pu me soutenir et me conseiller. Alors bon, le froid et la neige…
L’adaptation, c’est une des principales clés pour réussir son expatriation pour moi. Et c’est à la fois une nécessité et quelque chose qui se développe au fil des expériences. La définition de l’adaptation, c’est « la modification des fonctions psychiques de l’individu qui le rendent apte à vivre en harmonie avec les nouvelles données de son milieu ou un nouveau milieu ». Alors ça va de soi qu’elle ne peut se développer que quand on est exposé à la nouveauté, au changement. Quand j’étais en classe de seconde au lycée, j’ai fait un séjour de 10 jours en Turquie, un pays à la culture totalement différente de la France et sur lequel j’avais beaucoup de préjugés. J’étais en plus hébergée par ma correspondante et sa famille, donc en immersion, et je me suis retrouvée propulsée hors de ma zone de confort. Et petite anecdote rigolote, c’est à cette occasion que j’ai commencé à aimer les bananes, parce que le premier soir la mère de ma coloc m’en a donné à manger, je n’ai pas osé refuser (et puis elle l’avait coupée en rondelles avec du Nutella par-dessus), et j’ai découvert que finalement, c’était pas si mauvais ! Bien évidemment c’est loin d’être la seule chose que m’a apportée ce séjour. Quand on est hors de France, qui plus est chez des locaux, c’est à nous de faire l’effort de s’adapter, ce qui amène à se remettre pas mal en question.
Retour à mon expérience actuelle, tous les changements auxquels j’ai fait face en l’espace de quelques jours, en fait sur le coup ça n’a pas été si compliqué que ça. Enfin, bien sûr c’était dur, mais je ne réfléchissais pas au fait que c’était dur. J’étais constamment dans l’action et je n’avais pas le temps de protester intérieurement. Il neige et je dois rentrer chez moi en vélo ? Ok, on s’adapte, on roule doucement, et ça va aller. Je ne trouve pas ce que je veux au supermarché ? Tant pis, faute de merles on mange des grives (j’aime beaucoup cette expression), et j’irai dans un autre demain pour trouver des carottes en vrac et des lentilles corail. Mes collègues de travail ne font pas de vraie pause le midi et mangent chacun à leur bureau ? Je trouve ça bizarre, mais c’est leur habitude alors je fais pareil. Je ne comprends rien de ce que mes colocs disent ? Bah j’ai juste à leur demander de parler lentement. Et je pourrais continuer comme ça encore longtemps.
Le meilleur dans tout ça, c’est que même maintenant que je suis sortie de cette période d’ultra-adaptation où tout est nouveau (ce que j’avais appelé la phase de la rupture dans un article précédent), j’ai gardé le même état d’esprit, les petits tracas du quotidien ne m’atteignent pas. Dernier exemple majeur en date, après avoir loupé mon train à 10 secondes près un soir après le travail, je suis passée à autre chose direct sans m’énerver sur moi-même ou sur le conducteur. Ok j’ai loupé mon train, le suivant est dans 50 minutes, mais bon j’ai un téléphone, une connexion internet et un livre, alors on va attendre. C’est que 50 minutes après tout, et ça m’apprendra à jouer avec le feu à arriver à la gare 2 minutes avant le départ de mes trains. Pour moi, cette capacité à ne pas perdre mon énergie sur les petits problèmes et à tout de suite chercher les solutions, c’est une vraie force qui me vient du fait d’avoir affronté beaucoup plus dur comme contrariétés. Et j’en viens au point numéro 2.
L’art de savoir faire des erreurs
Pendant longtemps (et c’est toujours le cas), j’ai eu peur de l’échec. J’étais bonne élève alors j’y ai assez peu été confrontée petite, mais j’ai compris ça petit à petit : par exemple, si je fais de l’accrobranche, je n’ai pas vraiment peur de la hauteur, mais plutôt de ne pas réussir, de tomber, d’être ridicule suspendue dans le vide, de bloquer les autres, etc. Ça nous amène aussi à une peur du jugement et du regard des autres. Et pour le coup, s’il y a un antidote contre ça, c’est faire des erreurs, encore et encore, pour se rendre compte que c’est pas si grave.
Et c’est totalement le cas pour moi ici. Je parle tout le temps en allemand, et je fais tout le temps des erreurs. Des fois c’est pas grave (du type si je dis le table au lieu de la table dans une discussion avec mes colocs), mais ça arrive que ce soit plus gênant. Comme ne pas vouvoyer un interlocuteur au téléphone au travail, par exemple. Si je me faisais une montagne de chaque erreur que je fais, de chaque moment gênant, je ne pourrais pas m’en sortir. Alors oui, ça ne m’amuse pas de faire des erreurs, et j’essaie d’en faire le moins possible. Mais ne pas faire d’erreurs du tout, c’est impossible. Ou alors si c’est possible, mais uniquement si je ne parle à personne, ce qui ne me fera pas avancer. Donc le seul moyen de faire des progrès pour à terme ne plus (ou moins) faire d’erreurs, c’est d’en faire.
J’ai un gros avantage, c’est mon statut de VIE. Je n’ai jamais été en concurrence avec quelqu’un dont l’allemand est la langue maternelle pour avoir ce poste, mon entreprise cherchait à recruter un jeune français, et donc n’attend pas de moi (ou du moins pas dans l’immédiat) que je sois aussi performante sur ce point qu’un local. Alors c’est ok de faire des erreurs, de leur demander de répéter quand ils me parlent trop vite, de faire corriger mes mails avant de les envoyer. Quelque part, le bureau est une « safe zone » où j’ai le droit de me tromper (du moins sur l’allemand). Par contre quand je dois répondre au téléphone je suis toujours un peu en panique (et ça fait rire mes collègues) : là mon interlocuteur ne sait pas que je ne suis pas d’ici, donc soit je fais semblant de comprendre avant de dire « désolée je ne peux pas vous aider, je vous redirige vers mon/ma collègue », soit si la personne veut vraiment me parler je fais ce que je peux, je demande de répéter, je demande qu’on me confirme tel truc par mail, ou je reformule en posant une question type « donc c’est bien ça que vous souhaitez ? » pour être sûre. Mais bon, je sais que je suis hésitante quand je parle, que je fais toujours quelques fautes de grammaire, et on m’a déjà dit au téléphone « do you prefer to speak in english ? » (ce qui est ultra vexant).
Donc, l’art de savoir faire des erreurs. Pour moi, il y a plusieurs points clés là-dessus. Déjà, accepter qu’on est moins compétent et qu’on a besoin d’aide. Ça passe par dire aux gens « désolée je ne comprends pas, je ne suis pas d’ici, est-ce que tu peux parler plus lentement ? ». Faire ça, ça fait un peu mal à l’égo (c’est toujours compliqué d’admettre ses faiblesses), mais ça permet de se créer la safe zone dont je parlais plus haut. D’un coup, on passe du statut du débile qui comprend rien à l’étranger qui fait de son mieux, et les gens sont en général compréhensifs. L’autre point ultra important, c’est accepter d’être corrigé, voire même demander à être corrigé. Pareil, ça fait mal à l’égo quand quelqu’un pointe tes erreurs, mais c’est nécessaire pour apprendre. Et le dernier truc, c’est d’accepter de passer pour un débile, parce qu’il y aura toujours des moments où ce sera le cas. Surtout que je n’ai parlé jusqu’ici que de la langue, mais il y a aussi tout le côté culturel, ne pas avoir la bonne attitude dans telle situation, qui est aussi une grosse difficulté. Mais au fond, qu’un inconnu qu’on ne reverra jamais aie une mauvaise opinion de nous, ça change quoi ?
Le pouvoir de l’ouverture
Ça sonne bien comme ça non ? Ouais je sais, je suis fière de moi. Mais c’est quelque chose dont je suis convaincue. Et pour ça, il faut que je vous parle de Gerlinde.
Je rappelle vite fait que je travaille dans une entreprise qui fabrique des panneaux solaires. Au début de mon contrat, j’ai passé 3 semaines avec le personnel de la production. Et donc Gerlinde, c’est une dame qui a l’âge d’être ma mère, et qui a été la première avec qui j’ai travaillé, quand j’étais encore toute nouvelle et que je ne connaissais pas les subtilités de l’accent autrichien. Alors je suis arrivée avec ma bonne volonté et mon sourire, en faisant de mon mieux pour comprendre, en lui faisant vérifier ce que je faisais pour être sûre de pas faire n’importe quoi, et en essayant de taper un peu la discute. Et depuis ce jour-là, Gerlinde c’est un peu ma pote. Elle m’offre des bonbons à l’eucalyptus, me paie un café de temps en temps, et me dit que je suis belle, gentille et intelligente (oui, véridique, c’est un peu gênant mais bon). En fait, ce qui s’est passé, avec elle comme avec les autres collègues de la production d’ailleurs, c’est que certes je suis arrivée avec une cote de sympathie initiale plutôt bonne (la petite jeune française qui débarque), mais surtout j’ai essayé de m’intéresser à eux et de faire de mon mieux pour les aider. Quand on ne parle pas la même langue, on se rend bien plus compte de l’influence de l’attitude qu’on peut avoir. Et venir avec de la bonne volonté et un sourire, montrer qu’on est ouvert, qu’on a envie d’apprendre et qu’on s’intéresse à ce qui se passe même quand on comprend pas tout, essayer de communiquer même si on dit le table au lieu de la table, et faire mentir le préjugé du français arrogant et sûr de lui, ça a fait je pense une grosse différence.
Être ouvert, quand on vit à l’étranger c’est vraiment très important, et ça va un peu avec l’adaptation. C’est pas parce que en France on prend une longue pause le midi et qu’on fait 3 repas par jour que c’est la seule et meilleure façon de faire. Ici ils font autrement, alors ok, je fais autrement. Dans le fond, tester de nouveaux modes de fonctionnement ça permet de voir ce qui fonctionne pour soi ou non, en s’affranchissant des trucs que l’on fait parce qu’on a toujours fait comme ça. Alors il ne faut pas avoir la prétention qu’on sait tout mieux que tout le monde et s’ouvrir à d’autres façons de faire.
J’ajoute une autre composante à l’ouverture, c’est d’être ouvert aux occasions qui se présentent, et laisser de la place à l’imprévu sans chercher à tout contrôler. Pareil, avant j’avais du mal avec ça, mais je l’ai développé petit à petit et notamment pendant mon erasmus à Hambourg. A chaque fois qu’on partait en soirée ou autre, c’était souvent improvisé, on n’avait pas d’attentes énormes, on se disait « on part et on verra bien », et c’était vraiment cool. D’ailleurs pendant une soirée, un pote polonais m’a dit alors qu’il commençait à être tard et que je pensais à rentrer parce que j’avais cours le lendemain : « mais de quoi tu te souviendras quand le semestre sera fini et que tu rentreras chez toi ? De ce cours où tu étais à peu près en forme ou de la soirée où tu t’es amusée ? ». Phrase typique de mec bourré qui cherche à retenir ses potes, certes, mais cette phrase, elle m’est restée en tête (et je suis restée à la soirée). A chaque fois qu’une opportunité se présente, même si je risque de me retrouver dans une situation inconfortable, même si c’est avec des gens que je connais à peine, je me demande « si je fais pas ça, je fais quoi de mieux à la place ? », et si je ne trouve rien, alors je fonce. Et tant pis si j’ai l’impression de passer pour une débile, si je suis fatiguée ensuite, ou si au final je passe un moment gênant. En laissant les portes ouvertes à tout ce qui peut se présenter, ok on peut récupérer du négatif, mais surtout beaucoup de positif. En tout cas pour le moment ça me réussit plutôt bien. Et ça se rapproche aussi de ce que je disais plus haut : c’est impossible de tout contrôler. Ou alors si, si je reste dans ma chambre à regarder mon plafond. Mais je préfère l’option « être ouverte à toutes les opportunités qui s’offrent à moi ».
Le mot de la fin
Pour finir cet article qui est déjà assez long, non, je ne suis pas en train de dire que l’expatriation c’est assurément la solution à tous les problèmes, qu’en allant vivre à l’étranger on apprend à ne plus s’énerver quand on loupe son train, ou que je fais tout le temps des trucs de fou parce que yolo, l’ouverture, tout ça tout ça. Déjà, chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin. Ce qui me permet à moi d’avancer sur mes propres faiblesses n’est pas ce qui vous permettra à vous d’avancer sur les vôtres. Et comme je le dis dans mon titre, j’apprends toujours : oui, il est fréquent que je fasse semblant de comprendre quand on me parle, parce que j’ai la flemme de faire des efforts ou l’impression que je vais déranger la conversation (et c’est d’ailleurs un point sur lequel je dois progresser). Non, je ne passe pas mes soirées à faire la bringue, parce que covid déjà, et surtout parce que bien souvent l’option « je vais me coucher tôt pour être en forme demain au travail » est objectivement la meilleure (parler allemand toute la journée est vraiment épuisant).
Par contre, ce dont je suis convaincue, c’est que vivre à l’étranger est un accélérateur. Quand on est seul totalement hors de sa zone de confort, on est obligé de trouver soi-même les ressources dont on a besoin pour avancer. On ne peut pas faire autrement que de se remettre en question, d’apprendre tout le temps et sur tout, même les trucs les plus simples du genre comment dire au-revoir à la caisse du supermarché. Et ça, moi ça m’a permis de me découvrir des capacités que je ne pensais pas avoir, de me sentir épanouie et en accord avec ce que je veux dans ma vie. Je ne sais pas où tout ça me mènera, je n’ai objectivement aucune idée de où je serai dans un an, mais en fait ça ne m’effraie pas, parce que je sais que quoi qu’il arrive tout finira par bien se goupiller. Et c’est peut-être la meilleure leçon que j’ai apprise de mes différents séjours à l’étranger.
Merci beaucoup d’avoir participé à l’Article collaboratif du mois d’Avril ! 🙂 Ton article est super ! Je me retrouve beaucoup dans ton témoignage sur les appels téléphoniques ^^ Je déteste répondre au téléphone à mon travail en Angleterre, mais je n’ai pas le choix de le faire haha. Mon problème majeur est l’accent, si l’interlocuteur parle un anglais « classique » tout va bien et je ne rencontre pas de difficultés. En revanche, s’il vient d’Écosse, Pays de Galle ou encore de l’Irlande, c’est une autre paire de manche haha !
J’ai complétement bu tes paroles !!! J’y ai beaucoup retrouvé les sensations que j’ai pu avoir au début de mon expatriation… mais qui se sont bien volatilisées, depuis le temps… J’ai adoré l’histoire de la banane (c’était sûr qu’avec du Nutella ce serait une tuerie) et totalement d’accord avec toi sur la phrase presque assassine « do you want to speak English »…….. bon courage en tout cas, je ne m’en fais pas pour toi du tout !
Besos desde Madrid et au plaisir de te lire !
Merci beaucoup pour ton message ! 🙂
J’ai découvert ton blog via le groupe et c’est tellement rafraichissant! Ca me rappelle mes premières expériences à l’étranger, y a plus de dx ans maintenant. Merci 🙂
Merci à toi pour ton message ! 🙂